Entrevue auprès de PANDA Thérèse de Blainville et des Laurentides
TDAH : comprendre, dépister et accompagner
Entrevue auprès de PANDA Thérèse de Blainville et des Laurentides
Par Caroline Quarré, intervenante psychosociale & Caroline Gosselin, intervenante sociale à PANDA
Entrevue réalisée auprès de Caroline Gosselin, Intervenante sociale à l’Association PANDA Thérèse de Blainville et des Laurentides. Bien que l’entrevue ai été réalisée sous forme de questions-réponses, le texte a été adapté afin d’en faciliter sa lecture.
Un merci spécial à Isabelle Clément, directrice générale, et Caroline Gosselin, intervenante sociale, pour leur temps, leur disponibilité et leur grande générosité. Leur passion pour leur métier est évidente et leur dévouement pour soutenir les individus vivant avec le TDAH est sincère.
Qui est l’association PANDA Thérèse de Blainville et des Laurentides ?
L’Association PANDA Thérèse de Blainville et des Laurentides fait partie du Regroupement des associations PANDA du Québec qui se veut la référence en matière d’aide aux associations PANDA et aux parents ayant un enfant atteint du trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).
L’Association PANDA Thérèse de Blainville et des Laurentides offre des services d’intervention professionnels qui visent à aider toute personne au prise avec un TDAH, incluant les adultes qui vivent avec la problématique. Elle établit des dialogues afin d’améliorer la collaboration entre les parents, le milieu scolaire ainsi que tout individu gravitant autour d’un être ayant un TDAH.
Comment définiriez-vous le TDAH ?
Le TDAH est d’abord et avant tout un problème neurodéveloppemental. Ce trouble affecte chaque personne différemment, ce qui oblige à personnaliser les interventions. Il touche les fonctions exécutives (organisation/planification, inhibition, flexibilité mentale, jugement et autocritique), allant d’une seule fonction à toutes les fonctions. Bien que certaines interventions ou comportements de l’entourage puissent contribuer à augmenter certains symptômes, elles ne les créent pas.
Pour qu’un diagnostic de TDAH soit posé, plusieurs critères doivent être identifiés dont : l’apparition de signes et symptômes avant l’âge de sept (7) ans et la persistance de ces symptômes dans le temps (6 mois ou plus). Pour poser un diagnostic chez l’adulte, les symptômes doivent être apparus avant l’âge de douze (12) ans. Dans tous les cas, pour poser un diagnostic, les professionnels de la santé se réfèrent au DMS (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders), un ouvrage de référence, en plus de procéder à des entrevues cliniques et autres tests.
Quels sont les signes et symptômes présents chez l’enfant les plus fréquemment observés par les parents ?
Tel que mentionné plus haut, chaque TDAH est vécu différemment. Ainsi, les signes et les symptômes diffèrent d’une personne à une autre. Cette différence est encore plus vraie si l’individu a, ou non, la composante d’hyperactivité. Toutefois, voici quelques difficultés fréquemment rapportés :
- Difficulté à s’endormir le soir
- Difficultés à respecter les consignes (opposition fréquente)
- Difficultés à attendre son tour
- Difficulté à s’organiser dans sa routine du matin et du soir
- Difficulté à planifier son temps
- Difficulté à retenir de l’informations (oublis nombreux et fréquentes)
- Difficulté à contrôler son envie de parler (coupe la parole, parle trop et souvent)
- Autres
À cela peuvent s’ajouter des difficultés dans les relations avec les pairs, dans la gestion des émotions, de l’anxiété ou même une baisse ou absence de motivation scolaire.
Pourquoi avons-nous l’impression que le TDAH était moins présent il y a 25 ans ?
Il y a 25 ans, le TDAH n’était pas moins présent. Il y a 25 ans, le TDAH était surtout associé à de l’hyperactivité. Et, il était même dit que celui-ci disparaissait à l’adolescence. Les garçons étaient alors beaucoup plus concernés que les filles. Le TDA, pour sa part, n’était pas considéré comme un trouble, mais comme le fait d’être « dans la lune » ou lunatique.
De plus, il y a 25 ans, les exigences scolaires étaient moindres. Le parcours académique était donc moins ardu pour les enfants vivant avec TDAH qu’aujourd’hui. Les symptômes étaient donc moins évidents.
Finalement, nous avons beaucoup plus de connaissances et d’outils aujourd’hui qui nous permettent de dépister rapidement le TDAH. D’ailleurs, il est assez fréquent qu’un parent qui accompagne son enfant lors d’une évaluation pour un TDAH se reconnaisse lui-même dans les symptômes.
Quels sont les avantages à demander rapidement une évaluation pour un TDAH ?
Il y a plusieurs avantages à demander rapidement une évaluation pour un TDAH. D’abord, en faisant appel à une évaluation en psychologie ou en neuropsychologie, les parents peuvent confirmer ou infirmer le diagnostic, ainsi que confirmer ou infirmer la présence d’une comorbidité. La comorbidité est la présence de deux troubles ou plus (exemple : TDAH + anxiété). Le neuropsychologue est également en mesure d’évaluer la possibilité d’un trouble d’apprentissage : dyslexie, dyscalculie, ou autres.
De plus, lorsque les parents font appel à un professionnel pour une évaluation du TDAH, ceux-ci en ressortent immédiatement avec des recommandations de stratégies pour les difficultés identifiées. Ils peuvent ainsi se référer aux professionnels qui sauront les accompagner (orthopédagogue, orthophoniste, psychologue, psychoéducateur, ergothérapeute, enseignants, etc.). Ils peuvent se mettre immédiatement en action pour améliorer leur fonctionnement quotidien.
Quels sont les avantages à obtenir un diagnostic de TDAH ?
Dès l’obtention d’un diagnostic, un traitement personnalisé peut être mis en place. Le traitement le plus efficace se veut multimodal. Selon les besoins de l’enfant, ce traitement peut inclure une prise de médication, une psychothérapie, des interventions psychoéducatives, des services en orthopédagogie, en ergothérapie, en orthophonie, de l’accompagnement/guidance parental ou autres. La mise en place d’un traitement efficace et d’un plan d’intervention en milieu scolaire diminuent la souffrance de l’enfant face à sa condition et lui permet d’exploiter son plein potentiel.
Quels conseils donneriez-vous aux parents qui se dirigent vers une évaluation ?
Ne pas trop attendre – Une erreur fréquemment commise est le fait d’attendre sous prétexte que le parent se sent « encore capable de continuer » ou qu’il n’est pas « complètement au bout du rouleau ». Toutefois, ce ne sont pas les capacités du parent qui doivent être prises en considération, mais plutôt celles de l’enfant. Une seconde erreur est le fait d’attendre que l’enfant soit en échec scolaire avant de consulter : « Il réussit avec difficulté, mais il réussit! ». La souffrance de l’enfant est difficile à évaluer puisque celui-ci ne met pas de mots clairs sur l’objet de sa souffrance. Il reconnaît qu’il ne se sent pas bien, peut se dire fatigué, irritable ou en colère. Mais, il identifie difficilement que cela est parce qu’il y a trop de distracteurs à l’école qui nuisent à sa concentration, par exemple. Le fait d’attendre peut augmenter la souffrance de l’enfant et nuire à son fonctionnement dans plusieurs sphères de sa vie (école, maison, loisirs …).
Procéder à une évaluation complète – Il existe plusieurs trajectoires pour obtenir un diagnostic de TDAH. La démarche minimale serait de procéder à une évaluation en psychologie et de faire confirmer le diagnostic par un pédiatre ou le médecin de famille ayant de bonnes connaissances sur ce diagnostic.
Avoir une ouverture d’esprit – Dans un processus d’évaluation pour l’obtention d’un diagnostic, les parents devraient gardez l’esprit ouvert à toute éventualité. Même si le diagnostic peut être difficile à accepter, les parents devraient se mobiliser le plus rapidement possible afin d’outiller leur enfant à vivre avec ses difficultés et maximiser l’exploitation de ses qualités. S’ils ne se sentent pas confortable avec un diagnostic, ils sont libres d’aller chercher une seconde opinion professionnelle.
Demander de l’aide – Les parents peuvent demander de l’aide pour eux et pour leur enfant avant, pendant et après le processus d’évaluation. Des stratégies peuvent leur être fourni, bien que le diagnostic ne soit pas encore posé.
Quels conseils donneriez-vous aux parents pour améliorer la routine quotidienne ?
Utiliser des outils – Plusieurs outils sont disponibles gratuitement en ligne (volcan des émotions, pictogrammes, etc.). Pour faire le choix d’un outil, le parent devrait toujours s’assurer que celui-ci répond à la difficulté de l’enfant. Cela exige donc de bien cibler la difficulté. Par exemple, il faut faire la distinction entre la difficulté à se rappeler de sa routine et la difficulté à exécuter sa routine tâche après tâche. Dans le premier cas, la mise en place de pictogrammes seraient probablement efficace. Dans le deuxième cas, pour que les pictogrammes soient efficaces, ils devraient être accompagnés d’un deuxième système qui rappelle à l’enfant où il est rendu dans ses tâches. Ainsi, les parents pourraient ajouter une épingle à linge sur le premier pictogramme que l’enfant déplace à mesure qu’il complète une tâche.
Changer son propre comportement – Pour que la mise en place d’un outil soit efficace, le parent doit changer son propre comportement. Par exemple, si un système de pictogrammes est mis en place pour rappeler à l’enfant les tâches qu’il doit effectuer, le parent ne doit plus répéter constamment à l’enfant ce qu’il a à faire. Il devra plutôt le rediriger vers ce système lorsque nécessaire. Il est important de se rappeler que les outils sont mis en place pour aider l’enfant à développer son autonomie. L’enfant doit développer l’automatisme de consulter ses outils. Si le parent continue d’effectuer les mêmes interventions qu’avant la mise en place de l’outils (répéter, par exemple), l’enfant continuera d’avoir les mêmes comportements aussi (se référer à son parent). Ne pas changer son propre comportement annule la stratégie.
Quels conseils donneriez-vous aux parents pour améliorer les transitions ?
Annoncer les transitions – Le fait d’annoncer les transitions aident beaucoup l’enfant à s’y préparer. Par exemple : « Caroline, il te reste cinq (5) minutes de jeu avant le souper. » Une minuterie peut également être utilisée afin que l’enfant se représente visuellement le temps. Une minuterie apporte de la constante et de la cohérence. Cet aspect est sécurisant pour l’enfant.
Être réglé comme une horloge – La constance et la cohérence dans les délais donnés aux enfants sont sécurisantes. Lorsque le parent donne un délai à son enfant, il doit s’assurer de le respecter. Par exemple, un parent informe son enfant qu’il lui reste cinq (5) minutes de jeu avant de venir souper. Le téléphone sonne et le parent dépasse le délai. Quinze (15) minutes plus tard, il demande à l’enfant de venir à table. Le lendemain, le parent informe à nouveau l’enfant du cinq (5) minutes restant et cette fois le délai est respecté. L’enfant est plus susceptible de se mettre en crise, par désir de jouer plus longtemps. La minuterie peut encore une fois être efficace, autant pour le parent que pour l’enfant, à respecter les délais.
Quels conseils donneriez-vous aux parents pour améliorer les périodes de devoirs et de leçons ?
Planifier une période de devoir la fin de semaine – Maintenant que les enfants reçoivent la liste de devoirs et leçons de leur enfant le vendredi, il est possible d’organiser d’avance ces périodes de travail. La grande majorité des enfants vivant avec un TDAH et qui prennent une médication sont plus disposés en début de journée à effectuer des apprentissages. Ainsi, une période de devoirs la fin de semaine peut s’avérer plus efficace. Les soirs de semaine pourraient donc être réservés aux leçons qui peuvent être faites de façons rigolotes.
Accepter que l’enfant soit dans une position inhabituelle – L’enfant vivant avec un TDAH ressent souvent une difficulté à rester en place. Dans la période des devoirs et des leçons, l’objectif doit être d’amener l’enfant à réaliser son apprentissage. Plusieurs apprentissages peuvent se faire, peu importe la position corporelle. Par exemple, un enfant qui épelle ses mots peut les épeler debout en marchant autour de la table. Il peut également pratiquer sa calligraphie debout devant le comptoir de la cuisine. Apprendre ses tables de multiplications peut se faire assis par terre dans le salon. Pour l’enfant qui, au contraire, est de plus en plus distrait lorsqu’un cadre physique ne lui ai pas imposé, il serait souhaitable de lui permettre de bouger au travers de sa période de travail. Selon sa capacité de concentration, le parent pourrait proposer à l’enfant de faire quelques exercices à chaque période de cinq (5) ou dix (10) minutes de travail.
Bien que cette option ne soit pas possible pour l’enfant à l’école, il faut se rappeler que justement, l’enfant n’est pas à l’école et que l’effet de la médication se fait de moins en moins ressentir. Il vient de passer une journée entière à travers laquelle il a dû se contrôler à plusieurs reprises. Le fait de bouger lui permettra de se concentrer davantage en soirée.
Quels seraient les trois (3) incontournables à mentionner aux parents d’enfant vivant avec le TDAH ?
Choisir ses batailles – Les parents d’enfants vivant avec le TDAH rencontrent plusieurs difficultés au quotidien. Il peut devenir étourdissant de tenter de tout régler en même temps. Prioriser des objectifs (exemple : Je veux que mon enfant fonctionne mieux dans sa routine du matin et du soir.) permet de les atteindre plus facilement. Par conséquent, cela renforce l’enfant dans ses apprentissages, favorise son estime de soi et améliore la relation parent-enfant. Cela impose toutefois d’accepter de « lâcher-prise » sur des objectifs que le parent juge moins prioritaires (exemple : Je veux que mon enfant ramasse ses jouets lorsqu’il a terminé de jouer.).
Rendre les interventions cohérentes entre les deux parents – Afin que l’enfant adhère aux consignes des parents, il est essentiel que ceux-ci s’entendent sur les façons d’intervenir. Ils ne doivent – idéalement – jamais discréditer les interventions de l’autre devant l’enfant. Cela enlève de la crédibilité aux parents et incite l’enfant à tester le pouvoir qu’il a sur son environnement. Lorsqu’un parent n’est pas en accord avec l’intervention de l’autre, il est conseillé de se retirer dans une autre pièce pour en parler ou d’attendre en fin de journée pour le faire. Si, ensemble, les parents jugent que l’intervention était inadéquate (Exemple : « Je te prive durant deux mois de ta tablette. »), il revient à ce même parent de rectifier son intervention (Exemple. « J’ai exagéré tantôt puisque j’étais fâché. Ta tablette ne te sera pas retirer pendant 2 mois, mais pendant 2 jours. »).
Apprendre à voir le côté positif de son enfant et lui souligner – Parfois, les difficultés de l’enfant sont si grandes que le parent, exténué, ne voit plus que cela. Il est important, autant pour le parent que pour l’enfant, de s’arrêter et de prendre le temps de reconnaître les qualités et bons coups de l’enfant. Et, il est encore plus important de lui souligner. Cela favorise le développement de son estime de lui et renforce la relation parent-enfant. Une relation saine et sécurisante entre le parent et son enfant apaise beaucoup l’anxiété de l’enfant et diminue les comportements d’opposition.
Finalement, quelles seraient les interventions à éviter auprès d’un enfant vivant avec un TDAH ?
Éviter le sarcasme – Lorsqu’un enfant réalise une tâche, il est important de le féliciter et de le renforcer positivement. Parfois, lorsque le parent a répété plusieurs fois la consigne et que l’enfant se mobilise « finalement », il peut devenir tentant de laisser sortir un « Il était temps! ». Cette intervention a par contre un effet négatif sur l’enfant et omet de souligner l’effort qu’il a fait pour réaliser sa tâche.
Éviter la comparaison entre la fratrie – Chaque enfant est unique. Chacun a des forces, des limites, des connaissances et des compétences différentes. Il est donc important d’intervenir de façon personnalisée et d’éviter de le comparer à d’autres enfants. Cela a un effet négatif sur l’estime de soi.
Éviter d’intervenir en état d’émotivité – Les meilleurs interventions ne sont jamais réalisées en moment d’émotivité. Lorsqu’une situation nous rend émotif, il est préférable de se retirer un petit moment pour se calmer avant d’intervenir. Ainsi, le parent évite « d’exagérer » dans son intervention (exemple : donner une punition plus grande puisque le parent est exténué.) ou de regretter ses paroles.
En conclusion, il est très important de se rappeler que les parents doivent être à l’aise dans les méthodes d’intervention qu’ils mettent en place à la maison. Les parents sont invités à consulter l’Association PANDA de leur territoire pour recevoir des conseils et outils pratiques pour améliorer leur quotidien.