TDAH OU ANXIÉTÉ ? Quand le quotidien nous fait la vie dure
TDAH OU ANXIÉTÉ ?
Quand le quotidien nous fait la vie dure
Par Caroline Quarré, Intervenante psychosociale, BSc.
Depuis que j’exerce en pratique privée auprès des enfants et des adolescents, les problématiques avec lesquelles je travaille principalement sont l’anxiété et le TDAH. Une des plus grandes difficultés dans le fait de travailler avec ces deux problématiques est que les signes et symptômes sont très similaires. Il devient parfois très ardu de distinguer s’il s’agit d’un trouble anxieux, d’un TDAH, ou encore d’une comorbidité entre les deux (association des deux diagnostics). Bien que je n’effectue aucune évaluation diagnostic (seuls les médecins, psychologues et neuropsychologues peuvent le faire), il est important pour moi de bien connaître la cause principale des difficultés afin d’ajuster adéquatement mes interventions auprès des parents et de l’enfant.
La course au diagnostic
Comme je le disais plus haut, plusieurs parents me consultent en lien avec une possible anxiété chez l’enfant ou un possible TDAH. Ces parents débarquent dans mon bureau, pour la plupart, au bout du rouleau. Cela fait déjà trop longtemps qu’ils repoussent ce moment, essayant différentes interventions à la maison pour améliorer le fonctionnement de l’enfant et pour préserver la famille du chaos. L’école a bien souvent déjà levé le drapeau jaune, rapportant différentes difficultés scolaires et/ou disciplinaires. Les parents me partagent ressentir une pression, voire une urgence, à ce qu’un diagnostic soit confirmé ou infirmé. Ils souhaitent retrouver un équilibre de vie. Pour ma part, ils souhaitent que je les aide à mieux comprendre leur difficulté, que je les guide dans les interventions quotidiennes et que j’outille leur enfant pour améliorer son fonctionnement général (école, maison, loisirs, sports …). Les parents me demandent souvent – et je peux les comprendre – des « trucs » pour accélérer le processus d’évaluation.
Bien que cela puisse devenir tentant par moment, il est très risqué de vouloir accélérer l’évaluation. Tel que mentionné ci-haut, les symptômes entre le trouble anxieux et le TDAH peuvent s’avérer très similaires. Et, d’autres difficultés sous-jacentes pourraient ne pas être considérées.
Afin d’éclaircir la cause des difficultés de l’enfant, un médecin de famille ou un pédiatre (autant en clinique privée que dans le Réseau de la santé et des services sociaux) doit être rencontré. Une évaluation en psychologie doit idéalement aussi être réalisée. Cette évaluation permettra entre autres de déceler – ou non – une lenteur intellectuelle, un trouble d’apprentissage et/ou des difficultés émotives (par exemple, le trouble anxieux). D’autres évaluations pourraient également être demandées par le médecin, en fonction des difficultés de l’enfant (orthophonie, neuropsychologie, ergothérapie ou autres). Des grilles d’observation à compléter par les parents et l’enseignant pourraient également être fournies. Bien que ce cheminement puisse sembler long pour le parent qui est au bout du rouleau, il permettra une évaluation complète et la mise en place d’un traitement efficace.
Lien entre l’anxiété et le TDAH
L’anxiété est : « Un état mental de trouble et d’agitation, accompagné d’un malaise physique important et relié à des inquiétudes et à l’anticipation de conséquences négatives. Les inquiétudes sont généralement alimentées par notre petite voix intérieure et sont souvent excessives, voire irréalistes. Elle est orientée vers le futur et est caractérisée par l’appréhension de ce qui pourrait arriver. »(HÉBERT, 2016, p.12)
Les troubles anxieux, toutes catégories confondues, sont parmi les troubles mentaux les plus souvent associés au TDAH. Selon les études, « environ 25% des enfants vivant avec le TDAH seraient susceptibles de développer un trouble anxieux au cours de leur développement. » (MASSÉ, L., VERREAULT, M., VERRET, C., 2011, p. 73) Bien que plusieurs causes puissent expliquer cette relation, il n’en demeure pas moins que l’enfant vivant avec le TDAH est davantage à risque de vivre des difficultés scolaires, d’autant plus si son trouble s’accompagne d’une difficulté d’apprentissage (dyslexie, dysorthographie, dyspraxie …). Les symptômes mêmes du TDAH ont un impact direct sur sa performance scolaire (difficulté de concentration, difficulté de mémorisation, difficulté de planification, agitation, autres). Ainsi, les craintes liées à sa performance scolaire favorisent l’anxiété et, dans bien des cas, l’anxiété de performance. Cette forme d’anxiété est caractérisée par la crainte disproportionnée à l’idée d’être évalué ou jugé dans ses performances. Dans ce contexte, le trouble anxieux s’explique la plupart du temps par le fonctionnement quotidien liée à la vie avec le TDAH (peur d’oublier quelque chose, peur de ne pas être capable de se contrôler, peur d’arriver en retard, etc.).
Pistes de prévention et d’intervention pour l’anxiété
Que l’anxiété soit liée ou non au TDAH, voici quelques pistes de prévention et d’intervention que je trouve incontournables et que j’aime bien proposer aux familles que j’accompagne :
Favoriser une bonne hygiène de sommeil
Je ne m’étendrai pas sur ce sujet. Je vous inviterais plutôt à lire le merveilleux article « Trucs dodo pour nos petits cocos » écrit par Annick Cartier, psychoéducatrice et partenaire de Service psychosocial Pas-à-Pas (consultez la section « blogue » du site web).
BOUGEZ – BOUGEZ – BOUGEZ ET ENCORE BOUGEZ !!!
Les enfants et les adolescents accumulent un lot de petites et grandes frustrations et de stress quotidien à l’école. Le sport est un moyen efficace et reconnu pour décharger cette énergie accumulée durant la journée. Planifiez des moments pour bouger directement au retour de l’école. Cela est d’ailleurs très efficace pour limiter le « déchargement » de l’énergie sur le parent au retour de l’école. Et, pour élever ce conseil à un niveau supérieur : bougez AVEC votre enfant. Cela favorisera un moment agréable et privilégié entre vous (très bon pour le sentiment de sécurité de l’enfant), lui enseignera de bonnes habitudes de vie et vous aussi de décharger et d’être mieux disposé à l’accompagner en soirée.
Alléger votre routine
Nous menons des vies de fou et les enfants aussi. Nos horaires sont surchargés. Nous sommes habitués et nous habituons nos enfants à fonctionner dans un monde qui roule vite et où les contraintes de temps sont constantes. Selon une étude (HÉBERT, 2016), les enfants entendraient en moyenne 150x par jour (école, service de garde et maison) des consignes reliées à la pression du temps telles que : « Dépêche-toi », « On va être en retard », « Il est temps de terminer », « On prend place rapidement ». Nos cerveaux sont constamment stimulés. Par moment, permettez à vos enfants (et à vous-mêmes) de ne « rien faire » en fin de journée ou durant la fin de semaine. Ne surchargez pas vos fins de semaine d’activités de toutes sortes.
Accompagner l’enfant à vivre ses émotions
Lorsque votre enfant vit une difficulté et que ses émotions le tourmentent, il peut être tentant de vouloir le « soulager » et de rectifier soi-même la situation. Cela est même instinctif de vouloir protéger son enfant. Toutefois, il demeure des risques à « faire à la place de l’enfant », notamment des risques de nuire à son sentiment de compétence personnelle (« Je suis capable! ») et à son sentiment de sécurité personnelle (« Je suis capable, même lorsque mon parent n’est pas là! »). Voici donc trois suggestions pour accompagner votre enfant dans son volcan d’émotions et pour le rendre plus autonome dans son autorégulation émotionnelle :
- Valider son émotion: « Je vois que c’est difficile. Tu sembles découragé. »
- Connectez-le à son besoin : « De quoi aurais-tu besoin pour te sentir mieux? »
- Proposez-lui des choix pour améliorer la situation (On propose plus de choix lorsqu’il est jeune et de moins en moins au fil des années.)
Favoriser l’exposition
Les personnes anxieuses ont tendance à vouloir éviter la source de stress. Toutefois, plus une personne évite une situation, plus il sera difficile d’y faire face ultérieurement. L’idée n’est pas de traumatiser l’enfant et de le lancer « dans la gueule du loup » d’un coup, mais de l’accompagner à faire face à la situation. Encore une fois ici, il est très instinctif de vouloir protéger son enfant et de le retirer de sa source de stress. Mais, le message qui lui est envoyé est négatif : « Je te retire ou j’accepte que tu te retires puisqu’il y avait réellement un danger. » Lorsque vous l’accompagnez, n’oubliez pas de rester calme. Votre enfant est une éponge! N’hésitez surtout pas à demander de l’aide pour vous accompagner dans ce processus.
La demande d’aide
Pour différentes raisons, certains parents attendent longtemps avant de formuler une demande d’aide : manque de temps ou d’énergie, espoir que la situation s’améliore, désir d’accompagner son enfant soi-même, méconnaissance des services disponibles, crainte du diagnostic, autres. Le « bon moment » pour consulter est difficile à identifier. Alors, voici un petit aide-mémoire pour vous guider. Posez-vous ces trois questions :
- Est-ce que les difficultés créent une déstresse, de la souffrance, chez mon enfant ?
- Est-ce que les difficultés nuisent au fonctionnement de mon enfant dans au moins une sphère de sa vie (maison, école, sport, loisir …) ?
- Est-ce que les difficultés persistent dans le temps ?
Si vous répondez « oui » à au moins l’une de ses trois questions, vous avez raison de consulter et de demander de l’aide. Voici différents endroits où vous pouvez en demander :
Votre médecin de famille ou votre pédiatre | Si vous avez un médecin de famille ou un pédiatre qui accompagne votre enfant, il est recommandé de demander un RV avec lui et de lui partager les difficultés que vous rencontrez. Il pourra vous guider dans la mise en place d’un plan de traitement efficace. |
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# 811 : Info-santé et Info-social | Une infirmière d’Info-Santé ou un intervenant social d’Info-Social répond à vos questions, vous donnent des conseils éclairés et vous orientent, au besoin, vers la bonne ressource du réseau de santé et des services sociaux. Ce service est accessible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, pendant toute l’année. Il est gratuit et confidentiel. |
Services privés | Plusieurs services du domaine privée sont disponibles et permettent une prise en charge rapide (médecin, psychologue, neuropsychologue, psychoéducateur, travailleur social, intervenant psychosocial, autres). Ces services peuvent être trouvés sur le site internet des ordres professionnels ou des associations, ou encore sur le site internet de cliniques spécialisées. |
HÉBERT, A. Anxiété : La boîte à outils, Ottawa, Édition de la Mortagne, 2016, 175 p.
MASSÉ, L., VERREAULT, M., VERRET, C., Mieux vivre avec le TDAH à la maison, Montréal, Édition de la Chenelière Éducation, 2011, 540 p.
BANGE, F., Aide-mémoire. TDA/H : Trouble Déficitaire de l’Attention/Hyperactivité, Paris, Édition Dunod, 2014, 482 p.